Abattage

Les abattoirs 

"On est pas mieux traités que les bêtes qu'on tue" : l'abattoir, machine à broyer les destins

Mais les salariés portent aussi leur lot de souffrance.

Témoignage à l'abattoir de Blancafor dans le Cher : "On est tous cassés de partout. Tout le monde pète les plombs." Trente-six heures après la publication d'une vidéo de l'association L214, montrant les conditions alarmantes dans lesquelles sont abattues 15 000 dindes chaque jour à l'abattoir du groupe LDC à Blancafort, Clotilde* a ressenti le besoin de parler. Car depuis six mois, ce lieu de travail a aussi coûté la vie de trois salariés.

"Je n'avais qu'une envie c'est de me foutre dans le canal"

Clotilde est agent de maîtrise : elle encadre une équipe d'ouvriers. Depuis plusieurs mois, elle est en arrêt maladie après un violent syndrome d'épuisement professionnel, ou burnout. Elle aime cette usine pourtant, et elle la connaît bien, pour y être entrée en 1979. Elle avait alors quinze ans. "J'allais au boulot confiante, en rigolant. Là, maintenant, je n'avais qu'une envie c'est de me foutre dans le canal."

En moins de six mois, trois salariés de l'entreprise se sont donnés la mort, en lien avec un syndrome d'épuisement professionnel ou après un rendez-vous avec les ressources humaines. En juillet, il y a eu P., une femme de 56 ans, qui a souffert d'un burnout deux ans plus tôt. Puis R., agent de maîtrise comme Clotilde*, qui s'est pendu à son domicile au mois d'août. Sa compagne l'emmenait tous les matins, à 4h, sur le site, parce qu'il ne supportait plus d'y aller depuis un rendez-vous avec les ressources humaines.

Enfin, il y a eu un responsable de l'abattoir, L., qui s'est tué d'un coup de fusil sur un chemin proche de l'usine il y a quelques semaines. "Je n'ai pas beaucoup connu R., mais P. et L. c'est des gens que je côtoyait tous les jours, tous les jours", se désole Clotilde. "Maintenant, j'espère juste que la direction actuelle sera plus humaine, pour pas qu'il y en ait un quatrième." "Nous avons eu des décès récemment", a confirmé Alan Bertho, directeur du site, au micro de France 3 ce 17 décembre, déplorant un "réel drame" tout en déclarant que les causes ne sont "pas clairement établies".

En plus de ces cas de suicides, plusieurs salariés se plaignent de stress important, voire de dépression liée à leurs conditions de travail. "Moi j'aimais bien ce que je faisais, avant", se souvient Louise*, ouvrière sur la chaîne, qui évoque sans détour la dégradation des conditions de travail depuis plusieurs années. Après quarante ans de boîte, elle se retrouve percluse de douleurs, dans le dos et les articulations à force de manipuler des carcasses de 15 à 18 kilos. "Faut aussi dire qu'il fait très froid dans l'entreprise. Et humide aussi. Moi quand j'ai pointé, je rentre tout de suite et je nettoie bien ma place, sinon j'ai les pieds dans l'eau en permanence."

Dans le même temps, depuis le démantèlement du groupe Doux et la reprise du site par LDC en 2012, les cadences ont augmenté, tandis que les primes ont été supprimées. "Ils nous ont enlevé la prime de chaîne, la prime de désossage, la prime de froid..." énumère Clotilde, alors même que les employés sont payés au minimum de la grille salariale légale. "En tout, on perd facilement 250 euros par mois", poursuit-elle, alors même que les journées de travail s'allongent jusqu'à "12, 13 heures certains jours". "Il ne nous reste que la prime de fin d'année", renchérit Louise. Après une quarantaine d'années d'ancienneté, elle dit toucher 1300 euros par mois. "J'aurais pas l'âge que j'ai aujourd'hui, je partirais vite ailleurs, même en bossant à la chaîne, je gagnerais plus !"

"L'usine était en difficulté", a déclaré quant à lui le directeur du site, qui explique qu'une stratégie a été mise en place pour sauver l'entreprise, et qu'un plan d'investissement de 12 millions d'euros a été lancé, avec notamment d'importants travaux censés améliorer les conditions de travail. "Certes il y a eu des travaux", lâche Louise, "mais quand on dit à tout le monde que c'est pour améliorer la santé au travail pour les ouvriers, c'est du pipeau !"

"C'est vraiment pour augmenter les volumes", poursuit l'ouvrière, qui ne mâche pas ses mots. "Moi je peux vous dire que l'an dernier j'avais de la viande par terre à ma place, on m'aidait à ramasser par terre et on la fout dans des cartons. J'étais tellement débordée que j'arrivais même pas à attraper ce qui me passait devant le nez."

Ressources inhumaines

Outre ces problèmes, des témoignages convergents des salariées semblent également révéler une insuffisante attention portée par la médecine du travail sur leurs conditions, ainsi qu'un recours fréquent à des travailleurs étrangers précaires, l'entreprise ne parvenant plus à attirer de demandeurs d'emploi. Une exploitation assumée, selon Clotilde : "Ils en profitent, ils mettent des étrangers qui n'ont pas de papier, comme ça ils ne peuvent rien dire car ils attendent leur contrat de travail pour avoir un visa. C'est comme ça qu'ils trouvent du monde." Quant aux anciens, ils ne témoignent qu'anonymement, à visage caché. Dans un climat économique de précarité, briser le silence c'est risquer sa place.

Louise observe aussi les cadences augmenter autour d'elle, y compris chez les anciens chefs d'équipes. "Je vois ma collègue, qui était cadre : ils lui en ont fait baver ! J'étais pas loin d'elle, je voyais bien qu'elle était là avant moi le matin et qu'elle partait après moi. Elle avait une pression de dingue, et forcément ça se répercutait sur les conditions de travail."

Résultat : les deux employées subissent les conséquences de ce travail pénible sur leur santé. Depuis son burnout, Clotilde est suivie par une psychologue, et estime qu'elle a accompli le plus dur du chemin vers une meilleure santé. Louise, quant à elle, est marquée dans son corps par la pénibilité de son travail. "Le dos il est pourri, mais bon ça, quand on porte beaucoup de charges au fil des années on a le dos cassé." Comme beaucoup de ses collègues, elle a également souffert de maladies professionnelles "aux poignets, aux coudes, aux épaules, j'ai été opérée de partout".

Dans ce contexte, la publication de la vidéo de L214 a joué le rôle de détonateur. Soudain, la souffrance des animaux faisait écho à celle des travailleurs. L214, "ce sont un peu des extrémistes, mais sinon ils n'ont ont pas tort", estime Louise. "L'animal il faut le respecter jusqu'au bout. Après il faut bien le tuer, il faut bien qu'on mange. A la ferme, les gens aiment leurs animaux plus que tout au monde, mais ils tuent leur bête en faisant en sorte qu'elle souffre le moins possible."

Mais dans ce système industriel, intensif, le salarié n'est finalement, comme l'animal, qu'une ressource. "Tout est poussé à fond, à fond, à fond pour la productivité", martèle Louise, "faut que l'ouvrier coûte le moins cher possible, tant pis au passage s'il y en a trois ou quatre qui sont par terre... On n'est pas mieux traités que les dindes. L'ouvrier de Blancafort il est à peu près aussi bien considéré que les bêtes qu'on tue : on est au même niveau !"

 

Volailles

Chaque années en France nous tuons sans nécessité 926 Millions de volailles(Presque 1 Milliard d'individus conscients et sensibles)
En 2014, ont été tués dans les abattoirs français (FranceAgriMer, 2015b) :
– 747 900 000 poulets
– 76 100 000 canards, dont 37 300 000 canards gras
– 45 900 000 dindes
– 36 800 000 poules
– 25 100 000 pintades

Vidéo : Dans la peau d'un ramasseur de poulets

La  vidéo choc de l'association de défense des animaux L214 livre le témoignage anonyme d'un « ramasseur de volaille », une profession peu connue. Avant d'envoyer les animaux à l'abattoir, des brigades — essentiellement des sous-traitants, qui travaillent de nuit — capturent un nombre impressionnant de volatiles dans des hangars immenses. Plus de 20 000 bêtes en moins de 4 heures lors de la mission enregistrée par les caméras de L214. « On y voit les conditions effroyables, tant pour les animaux que pour les employés, insiste Brigitte Gothière cofondatrice de L214. Le ramassage manuel provoque des luxations des pattes et des ailes, des fractures, des hémorragies ou d'autres blessures. Ces poulets de chair sélectionnés génétiquement, grossissent si vite que leurs os sont fragilisés. »

L'ABATTAGE DES POULETS
"Les oiseaux sont suspendus la tête en bas, à des crochets de fer ; la compression des pattes par le métal provoque des douleurs. Les crochets suivent un rail en mouvement qui amène les oiseaux terrifiés vers un bain d’eau électrifiée dans lequel la tête est plongée. Ceci est destiné à les étourdir ; ils sont ensuite dirigés vers des lames automatiques.
Beaucoup de poulets ne sont pas étourdis correctement et reprennent conscience juste avant ou après qu’on leur ait tranché la gorge. Certains échappent d’emblée au bac destiné à l’étourdissement et sont totalement conscients lorsqu’ils se dirigent vers les lames automatiques. La science a démontré que pour offrir une mort rapide, les deux artères de la carotide (principale alimentation de sang vers le cerveau) doivent être sectionnées. De nombreux abattoirs ne se soumettent pas à ce procédé ce qui signifie qu’il faut plus de temps aux oiseaux pour perdre tout leur sang jusqu'à ce que mort s’en suive et que certains reprennent conscience au cours de ce processus. Certains oiseaux sont toujours vivants lorsqu’ils sont plongés dans l’échaudoir (prévu pour relâcher les plumes avant que l’oiseau ne soit plumé).
L’électronarcose est le mode d’étourdissement le plus fréquemment utilisé pour l’abattage des poulets. D’autres méthodes existent mais leur efficacité n’est pas toujours optimale. L’utilisation du gaz limite les manipulations et les douleurs de l’accrochage (les poulets restent dans leurs cages de transport) mais certains rapports ont montré que le temps de perte de conscience est plus long que pour l’électronarcose. Des douleurs et souffrances peuvent ainsi survenir (le poulet suffoque et aurait « l’impression de se noyer.
Les abattoirs modernes tuent de 8 à 10 000 poulets à l’heure – ce qui représente la mort d’environ 170 oiseaux à la minute. A une telle vitesse il est difficile, voire impossible, d’assurer correctement le bien-être des animaux"
Info PMAF

 

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